Discours du 10 Mai 2011
Commémoration de l’ abolition de l’esclavage à TOULOUSE
DISCOURS DU 10 MAI 2011
Monsieur le représentant de l’Etat,
Mesdames et messieurs les Elus,
Mesdames et messieurs,
Voilà trois années consécutives qu’au nom de la F.A.U. et du collectif 161, je prononce devant vous un discours « en l’honneur de la mémoire de nos ancêtres, victimes, de la colonisation, de la traite négrière et de l’esclavage ». C’est un moment solennel pour faire entendre la situation et la cause des ultramarins, des français noirs, en général, vivant dans la région Midi-Pyrénées.
Mais c’est aussi, cette année, un moment privilégié pour faire appel aux valeurs républicaines qui vous « habitent » et ainsi vous inciter à vous opposer à la fronde menée contre la loi « Taubira » de 2001.
En cette année dédiée aux Ultramarins et aux personnes d’ascendance africaine, permettez-moi d’adresser à l’ensemble des ultramarins de la région Midi-Pyrénées toute mon affection.
Les « Afro-Caribéens » que sont beaucoup d’entre nous, les descendants d’origine africaine, les français d’origine gallo-romaine, les métis, l’ensemble des citoyens français, je tiens à vous dire que cette année doit augurer d’une « ère nouvelle » :
La commémoration de l’abolition de l’esclavage doit devenir l’affaire de tous les citoyens français…..
L’histoire de l’esclavage, l’histoire de la colonisation est l’Histoire de la France !
On ne peut faire l’impasse dessus.
C’est pourquoi nous demandons que le 10 mai devienne un jour férié dans l’hexagone.
L’année des Outre-Mers est pour nous tous !
Car : » lorsque même l’image de Dieu a été colonisée, comment ne pas comprendre le sentiment d’infériorité et de perte de foi en lui-même de l’Homme Noir pour qui la foi religieuse est si importante ?
Considérer que Dieu est blanc, c’est laisser penser que ses enfants sont par voie de conséquence blancs.
De qui les Noirs sont-ils les fils ? De satan. Donc du Mal ?
C’est là, l’essence même du complexe qui demeure encore chez beaucoup de Noirs. Car il est profondément « ancré dans leur conscience que pour atteindre Dieu, il faut atteindre le blanc » ( Cf : thèse soutenue par Mme le docteur en linguistique, Ama Mazama, originaire de Guadeloupe qui vit aux Etats-Unis ).
Il est difficile de développer sur de tels fondements, des rapports sociaux basés sur l’égalité, la fraternité. Il est donc impératif de changer l’imaginaire de l’Homme Blanc » comme le préconise Lilian THURAM.
Nous devons enseigner à l’école « l’apport de l’Homme Noir dans nos sociétés » car :
- Savez-vous qui a inventé l’ascenseur ?
Alexander MILLS
– Savez-vous qui a inventé la planche à repasser ?
Sarah BOONE
- Savez-vous qui a inventé les feux de la circulation ?
Garret A. MORGAN
- Savez-vous qui a inventé le tramway ?
Elbert R. ROBINSON
- Savez-vous qui a inventé la boite aux lettres ?
Phillip DOWNING
- Savez-vous qui a inventé la lampe électrique ?
Lewis LATIMER
- Savez-vous qui a inventé le réfrigérateur ?
John STANDARD……..
Toutes ces personnes ont en commun une caractéristique : celle d’être des Noirs. Ayons donc conscience que l’histoire des Noirs ne se résume pas à l’histoire de l’esclavage. Notre premier ennemi est, et reste l’ignorance. La méconnaissance et la peur n’ont jamais triomphé de l’intelligence et de la lumière.
La France actuelle ne peut faire l’économie des compétences de tous ses enfants d’où qu’ils viennent et quelle que soit leur couleur de peau ou la nature de leur chevelure. Je pense en particulier à nos compatriotes ultramarins qui sont et ont été français bien avant les Savoyards, les Alsaciens ou mêmes des Niçois. Alors, pourquoi ces discriminations si ce n’est par « racisme » ?
Si la France possède une spécificité c’est bien celle de sa diversité dans le respect des valeurs républicaines.
Si ce moment nous permet d’être à l’écoute les uns, des autres pour mieux nous respecter et mieux nous comprendre. Alors, il nous sera possible de construire « un aujourd’hui et un avenir harmonieux ensemble ».
Le discours autant que les comportements et attitudes doivent changer :
Trop fréquemment les médias parlent d’un « Noir », lorsque ce français a commis un méfait et d’un français, accessoirement Noir, lorsqu’il s’agit d’un citoyen célèbre !
Notre combat est au service d’un pays, le service à notre pays, où chaque Français est considéré, où chaque Français est important. Partageons ensemble cette ambition. Elle a pour nom Fraternité et solidarité.
L’histoire coloniale de la France n’est pas enseignée. Une grande majorité de Français ne sait rien de la barbarie du code noir qui définissait le statut de l’esclave. Beaucoup de français ne savent pas que Napoléon était un négrier qui a rétabli l’esclavage en Guadeloupe en 1802 ou que Pierre Messmer au nom de l’état français organisa l’élimination de plus de 300 000 Noirs au Cameroun.
Ils n’ont jamais entendu parler du code de l’indigénat qui déterminait plusieurs catégories de Français (français français et français moins français). Ils ne savent rien des massacres des 26, 27 et 28 mai 1967 en Guadeloupe où les militaires français ont tué plus de 100 travailleurs Guadeloupéens lors d’une grève des ouvriers du bâtiment.
Le transfert des populations vers l’hexagone par le Bumidom, bureau d’émigration, de Guadeloupe et de Martinique qui fut dénoncé, par Aimé Césaire, comme un génocide par substitution.
C’est malheureusement, aussi cela l’histoire de « la France Universelle, Patrie des droits de l’Homme ».
Il est temps que cessent « les exactions » de toute sorte contre certains français, surtout dans le silence complice de la conscience collective !
Cependant CHACUN DOIT ASSUMER SA PART DE RESPONSABILILTE dans « les atrocités » qu’ont supporté nos ancêtres, sous le joug de l’esclavage.
Nos frères Africains ne doivent pas ignorer leur contribution à la souffrance de nos pères et mères.
La conscience collective doit se nourrir de la vérité historique !
Nous tenons, pour finir, à saluer les 10 ans de la loi TAUBIRA qui reconnait la traite négrière et l’esclavage comme crimes contre l’Humanité.
Nous insistons sur la nécessité de la repentance pas dans un esprit revanchard mais parce que :
le mot Repentance provient du mot repentir qui signifie : « avoir un vif regret d’un acte commis ».
Le regret permet de reconnaître et d’assumer son « Histoire », avec courage et ainsi d’obtenir le pardon qui reste le plus sûr moyen de parvenir à des relations apaisées.
La grandeur d’un Etat se mesure aussi à sa capacité à reconnaître ses erreurs mais c’est surtout le plus sûr moyen de ne plus la reproduire.
Car si l’ Outre-Mer reste un joyau pour la République, les ultramarins, à l’intelligence et à l’adaptabilité si développées sont une richesse pour la France et contribuent, avec tous les autres citoyens, à faire progresser le pays ! Dans aucun autre pays européen n’existe cette diversité culturelle, géo-politique, phénotypique, stratégique…..
Aujourd’hui, nous devons nous mobiliser pour « combattre » la volonté de :
- ceux qui cherche à faire abolir la loi « Taubira »,
- ceux qui évoquent des notions de « quota »,
- ceux qui participent à la montée des idées d’extrême droite,
- ceux qui pratiquent les discriminations.
Nous devons faire preuve de vigilance et de courage pour défendre les idées et valeurs de la République. Osons dire Non au discours et attitudes racistes !
Aujourd’hui, il s’agit de savoir quelle place nous voulons occuper et quels moyens nous nous donnons pour cela.
Il nous appartient, avec nos compatriotes d’origine européenne, d’origine africaine, métissés et autres, de partager nos cultures, nos identités, nos phénotypes, nos compétences, nos savoirs et nos savoir-faire pour nous retrouver, ensemble, dans la société, au travers de nos différences pour une meilleure cohésion sociale, dans un « Homme-Citoyen », quel que soit son origine ethnique, quel que soit la couleur de sa peau, quel que soit sa religion, quel que soit son niveau social, quel que soit sa Culture…., pour participer à l’évolution et au progrès de la région.
Etre « visible », c’est être un citoyen présent et acteur de son devenir. Il faut mettre un terme à la notion de « diversité » qui finit par apparaître plutôt comme un vecteur de division plutôt que d’union.
La société française est « Une ». Le citoyen français doit être « Un » !
Lorsque la couleur de la peau, la nature des cheveux, la religion, ne seront plus un critère pour élire, désigner, choisir ou exclure un décideur ou un dirigeant alors nous aurons gagné le combat de l’Homme pour l’Homme ! Car « le visuel », « l’exemple », permettent les évolutions de mentalités, pas les « décrets ».
Merci !
Pour le Collectif 161
Christine HOUBLON,
Présidente de la F.A.U.
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